Stage Géologie et Biodiversité -Aout 2023-

Du 27 au 29 août 2023 3 jours

Le séjour a été accompagné par Pierre Bonneau, ornithologue et accompagnateur de montagne (Sentona) et Philippe Bouilly, géologue et accompagnateur de montagne.

Au cours de ces trois journées de terrain nous avons parcourru le complexe des Schistes Lustrés du Queyras, au centre des Alpes Occidentales entre les unités briançonnaise et apulienne. Il représente le prisme d’accrétion de la subduction et est composé de calschistes du Jurassique Supérieur dans lequel se retrouvent des lentilles d’ophiolites, reliques de la lithosphère océanique. Cet ensemble est intensément déformé et métamorphisé, essentiellement dans le faciès Schiste Bleu.

Sur ces terrains déformés s’est développée une vie adaptée à l’altitude. Les Alpes du sud, à fortiori à l’intérieur de l’arc alpin, jouissent d’un climat très sec où le Mélèze d’Europe occupe une place importante, un fort endémisme s’y est développé dans plusieurs massifs. La vallée du Queyras, restée longtemps enclavée, a conservé en bon état ses espaces naturels et n’est pas en reste d’une biodiversité remarquable.

Nous avons, à l’occasion de nos excursions géologiques, découvert plusieurs écosystèmes montagnards, rencontrer leur faune et leur flore pour comprendre les interactions entre espèces.

Les genévriers thurifères de Saint-Crépin

Sur les pentes rocailleuses et sèches du Queyras, dans la vallée de la Durance, poussent des arbres vénérables de l’espèce Juniperus thurifera, le genévrier thurifère ou porte-encens. Ils doivent cette dénomination à l’odeur d’encens émise par des glandes qu’ils portent sur leurs rameaux.

Ces genévriers ont la particularité de supporter des conditions pédologiques difficiles telles qu’un sol pauvre ou presque inexistant, contenu dans les fissures des roches.  Ils survivent aussi à des conditions climatiques extrêmes, à la fois arides, chaudes en été et rigoureuses en hiver. C’est pourquoi l’on trouve cette espèce sous un climat méditerranéen montagnard, au Maroc dans les hautes vallées de l’Atlas, dans les massifs montagneux ibériques ou bien en Corse. Les spécimens du Queyras semblent être des reliques d’un passé climatique plus chaud où l’espèce avait colonisé des aires géographiques plus au nord. Puis les glaciations auraient cantonné ce genévrier aux pentes ensoleillées des Hautes-Alpes.

Le genévrier thurifère ayant une croissance très lente, les individus qui peuplent le site de Saint-Crépin, aux troncs très épais et tortueux, sont d’autant plus précieux qu’ils ont certainement un âge très ancien, multi-centenaire voire millénaire.

Le port de cet arbre est multiforme, tantôt s’enroulant autour de lui-même, tantôt autour d’un rocher, ou bien rampant à la conquête de nouveaux espaces. Les individus les plus anciens ont par ailleurs gardé les traces des coupes que les habitants leur ont fait subir par le passé, utilisant leurs branches pour en faire des piquets de clôtures imputrescibles.

Les rameaux ont la particularité de porter des feuilles aciculées (en aiguilles) lorsque l’arbre est jeune, puis des feuilles squamiformes (en écailles) chez l’adulte, récapitulant ainsi l’évolution du taxon.

Comme la plupart des genévriers, les Thurifères sont dioïques. Ils sont soit mâles, soit femelles, les femelles portant des galbules, petits cônes globuleux de 8 à 12 mm de diamètre et de couleur pourpre à bleuâtre à maturité. Ce sont les fameuses baies de genièvre.

Le taux de reproduction de l’espèce est très faible, la plupart des graines étant parasitées par divers insectes et arachnides. Cependant les grives, oiseaux granivores, sont de précieux agents de dissémination qui permettent à l’espèce de coloniser le haut des pentes, en amont de la population d’origine. De plus les sucs digestifs des grives favorisent la germination des graines.

Les pentes de Saint-Crépin sont ainsi peuplées par une importante thuriféraie dont un grand nombre d’individus sont anciens, à l’image d’une femelle âgée de mille ans, que les habitants de la vallée appellent avec respect l’Eléphante. Merci à Pierre Bonneau de nous avoir fait découvrir un tel joyau botanique 

Détail du séjour : http://montpellier.apbg.org/files/2024/07/Geologie-et-Biodiversite-Aout2023-2.pdf